Vercors, citadelle de vert et de pierre

J’ai grandi au pied du Vercors, avec vue sur le Roi Gros Nez et les cornes du Tourniol. Un peu plus loin, la Momie dort paisiblement. Personnages imaginaires ? Non ! Ce sont des falaises de calcaire blanc, qui se dressent et regardent la plaine de Valence. Elles sont le premier rempart à franchir pour pénétrer dans ce massif à nul autre pareil.

Les soirs d’été, lorsque le soleil décline enfin, que la chaleur emmagasinée dans la journée émane de chaque mur et étouffe la vallée, elles se parent de rose. Une dernière coquetterie avant de disparaître dans l’obscurité. Même le soleil rend les armes face à ces montagnes.

Le Vercors m’a toujours fascinée. Citadelle de vert et de pierre. Ces falaises, je les voyais chaque matin par la fenêtre, au petit déjeuner. Encore dans l’ombre.
Je ne suis pas du matin. Pourtant je n’aime rien autant qu’être là quand le premier rayon de soleil jaillit dans leur dos. Il vient me faire cligner des yeux, dessine leur silhouette. Statues de calcaires drapées de forêts.

Chaque matin elles sont là. A l’heure au rendez-vous. Quand je rentre après une longue absence, que je suis encore dans le train ou sur la route, je guette. Je sais le moment où elles apparaissent au loin, au détour d’une courbe. Je souris. Comme un soulagement. Elles sont là, je suis à la maison. Repère infaillible, inamovible.

L’hiver, la neige les habille de blanc. D’abord les cornes, et la combe au pied de Pierre Chauve. Puis elle s’aventure jusqu’à la route, en dessous du Roi Gros Nez. La Momie n’est pas épargnée. La route est coupée, voilà quelques mois de tranquillité.

Les crocus donnent l’alerte. Le printemps arrive, avec son bestiaire à apprivoiser. Viendront ensuite les érythrones dent de chien, les narcisses et jonquilles sauvages, puis les orchidées. Par dizaines, toutes si différentes qu’on vient les observer du monde entier. Et puis les trolles, la renouée bistorte, les gentianes bleues et plus tard les jaunes, grandes et robustes.
Mais surtout, il y a la tulipe australe. Rare et fragile, jaune écarlate avec une touche de rouge aux extrémités.

Le Vercors se mérite. Cette citadelle n’ouvre que quelques passages vers ses sommets. Ici tout n’est que verts plateaux enherbés, forêts domaniales aux fières hêtraies et abruptes falaises dressées. Chaque fois que vous avez l’impression d’être arrivé, le sol se dérobe. D’un coup, sans prévenir. Le vide, la cassure est nette. L’eau a creusé partout, des scialets ici, de profondes gorges par là.

L’homme a persévéré, curieux. Taillant des chemins mûletiers à flanc de falaise. Suspendus au vide. C’est le prix à payer pour pénétrer la citadelle. J’y suis passée des centaines de fois. Pourtant, emprunter la route de Combe Laval, les Gorges de la Bourne ou du Nan, ou les Grands Goulets de mon enfance est une expérience unique. Celle où vous ne savez plus vraiment si vous êtes sur terre ou dans le ciel. Où ceux que le vertige tourmente ferment les yeux.

Roc de Toulau - col de la Bataille - Vercors - Drôme

La nature est reine dans ces montagnes. Il ne faut craindre ni le vide béant, ni l’eau si rare, ni le vent si violent. Ici Font d’Urle, là le Roc de Toulau. « Toutes aures » comme diraient les anciens, le Roc « de Tous les Vents ». Il se dresse fièrement, carrefour naturel dominant les forêts de Malatra et de Léoncel, donnant accès aux pelouses d’Ambel.
Le brouillard lui rend visite souvent, mais prudent, glisse de Bouvante à Omblèze, sans s’arrêter. Il court, léger, on le découvre en sortant du tunnel. Il faisait beau de l’autre côté pourtant. Le coton, poussé par la bise, enjambe le pont du col de la Bataille.

Quand l’automne colore doucement les forêts de teintes orangées, ce sont les cerfs qui habitent ces immensités. Ils brament, appellent. On entend les bois qui cognent, le combat est rude. Quelque part, cachés, les loups. Dans les cieux, silencieuses silhouettes tournoyantes, les vautours. A nos pieds, sifflant, les marmottes. Accrochés aux falaises, équilibristes, les bouquetins.
Et si rare, au pied du Veymont, vous apercevrez peut-être ses plumes noires, le tétras lyre.

Il ne faut rien craindre mais tout respecter. Etre curieux, passionné. La nature a bâti un empire, bienvenue dans le Vercors.

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